Une analyse précise de cette décision est intéressante particulièrement pour un juriste français du fait des similitudes que semble avoir le droit et la procédure administratifs égyptiens à commencer par le nom de la Cour administrative suprême : Le Conseil d'Etat.
Le texte intégral de la décision peut être trouvé ici en anglais.
La décision étant assez longue et détaillée (10 pages), l'analyse fera l'objet de trois billets différents, ce qui occupera un peu le blog...sachant que le dernier billet est le plus intéressant car traitant du fond de l'argumentation ;-)
Brièvement, la décision est un appel d'une décision de première instance obligeant l'Etat égyptien à émettre des cartes d'identité et des certificats de naissance (récemment informatisés) mentionnant la foi baha'ie comme religion. Le Conseil d'Etat annula la décision.
Deux appels furent lancés contre la décision, le premier visiblement privé, et le second gouvernemental.
La structure et le style de rédaction de la décision semble aussi directement inspirés des décisions du Conseil d'Etat français. La décision commence par une synthèse de la procédure jusqu'ici, rappelant les faits à l'origine du litige et la décision examinée.
Arguments avancés par les baha’is
Du résumé il ressort que les plaignants ont changé de stratégie en cours de procédure.
Ils commencèrent par argumenter que le fait pour l'administration de refuser de leur rendre leurs passeports et cartes d'identités confisqués à l'occasion d'une demande d'ajout de noms de leur fille violait la Constitution et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Par la suite, la demande fut donc apparemment modifiée en une demande d'annulation de la décision négative de refus d'émettre des cartes d'identité mentionnant leur religion ainsi que le refus d'émettre des certificats de naissance pour leurs filles.
Cette décision négative semble aussi inspirée du système français reconnaissant une décision implicite négative en cas d'absence de réponse de l'administration dans les deux mois. Si l'administration ne prend pas la décision ou n'agit pas selon ce qui a été demandé, le justiciable est en droit de demander aux tribunaux de confirmer si oui ou non l'administration avait l'obligation ou pas de prendre une telle décision ou d'agir.
Dans ce cas, l'action demandée était donc l'émission de cartes d'identité et de certificats de naissance mentionnant la religion baha'ie. L'absence d'action violerait la Constitution et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Il est intéressant de noter, grâce aux nouveaux développements, que de nouveaux arguments pourraient être tiré d'une demande de remplacer la mention de la religion par cinq dièses.
La décision attaquée
La juridiction de première instance annula la décision négative implicite en estimant que (les citations seront toutes en anglais par convenance) :
“existing authoritative reference books on Islamic jurisprudence indicate that Muslim lands have housed non-Muslims with their different beliefs; that they have lived in them like the others, without any of them being forced to change what they believe in; but that the open practice of religious rites was confined to only those recognized under Islamic rule. In the customs of the Muslims of Egypt this is limited to the peoples of the Book, that is Jews and Christians only.Voilà qui est intéressant. Si le résultat factuel (si cette décision avait été confirmée) aurait été positif (les baha'is obtenant leurs papiers...) le résultat n'aurait pas pour autant été un résultat très positif au regard des motivations.
The provisions of the shari’a [Islamic jurisprudence] require a disclosure that would allow to distinguish between the Muslim and non-Muslim in the exercise of social life, so as to establish the range of the rights and obligations reserved to Muslims that others cannot avail [themselves] of, for these [rights and obligations] are inconsistent with their beliefs.
Thus, the obligation prescribed by the Law of Civil Status no. 143 of 1994 concerning the issuance of an identity card to every Egyptian on which appears his name and religion and the same on birth certificates is a requirement of the Islamic shari’a.
It is not inconsistent with Islamic tenets to mention the religion on a person’s card even though it may be a religion whose rites are not recognized for open practice, such as Bahá’ism and the like.
On the contrary, these [religions] must be indicated so that the status of its bearer is known and so he cannot enjoy a legal status to which his belief does not entitle him in a Muslim society. It is not for the Civil Registry to refrain from issuing identity cards or birth certificates to the followers of Bahá’ísm, nor it is up to such Registry to leave out the mention of this religion on their identity cards.”
La juridiction de première instance estime que : La religion doit être indiquée afin d'identifier à quelle communauté appartient un citoyen afin qu'il ne puisse pas bénéficié d'un statut légal que sa croyance lui interdit dans une société musulmane.
Le chemin jusqu'à une vraie liberté religieuse est encore loin. Dans un autre pays connu des défenseurs des droits de l'Homme (ou de personnes s'intéressant aux problématiques nucléaires), les baha'is sont actuellement fichés, et ce n'est probablement pas dans le noble but de leur accorder enfin les droits de citoyenneté de base dont ils sont privés depuis trop longtemps.
Pour replacer les choses dans leur contexte. Les baha'is ne demandent pas une reconnaissance officielle de leur foi, ils ne demandent ni plus, ni moins que d'être traités comme des citoyens normaux, d'avoir des papiers en règles, condition pour ne pas être licencié, et accéder aux services publics de base dans un pays en état d'urgence...
La simple absence de la mention d'une religion suffirait. Mais il paraîtrait que le système informatique ne l'autorise pas...
En tout état de cause, la décision de première instance a été annulée...
(à suivre…)
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